Jean-Luc Tanghe Gabriella Koutchoumova
105 JOURS
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Relecture : Anne Jaspard
Chaque jour, pendant 105 JOURS, du 31 mars au 13 juillet 2020, nous avons publié une photographie de Bruxelles réalisée par Jean-Luc Tanghe et un texte écrit par Gabriella Koutchoumova

Boulevard Léopold II
105/105 13 juillet 2020
Refaire surface
Se laisser inspirer
Retrouver ses sens
En un tempo posé
Toucher
Et
Retoucher
L’ouvrage
Posé là
Un jour de mars
Ce jour où d’un coup de marteau
On arrêta la planète de s’agiter
Pour s’écouter respirer.
Gabriella Koutchoumova

Forêt de Soignes
104/105 12 juillet 2020
Je suis comme un saumon remontant le courant
Je voudrais être une raie pour me poser au fond
M’étaler de tout mon long
Me laisser porter, flâner
Te voir arriver librement
De façon spontanée
Au bon moment
Celui que je n’aurai pas choisi
L’inattendu !
Il me faut beaucoup flotter
Ne rien attendre
Lâcher le désir et
L’insatisfaction
Du non respect
De mon imagination.
Gabriella Koutchoumova

Métro Tour et Taxis
103/105 11 juillet 2020
On partait debout à l’arrière chantant à tue-tête dans notre première Fiat 500.
Nous avions même l’option toit ouvrant. Cette voiture c’était notre liberté.
Cet engin puant et polluant, nous a permis de nous évader, de prendre le large en période de crise. De maîtriser les crises en période d’ouragans.
Il aurait fallu courir très vite pour nous rattraper. On se faisait croire à l’escapade, à la fuite mais personne n’avait même l’idée de nous rattraper.
A l’époque être entassés comme des sardines sans ceinture ni à l’avant ni à l’arrière
C’était la norme qui aujourd’hui pourrait nous paraître criminelle.
Et nous embrasser demain ?
Nous paraîtra-t-il inconscient ? Fou ? Dangereux ?
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Gabriella Koutchoumova

Rue du Cheval Noir
102/105 10 juillet 2020
La peur de devenir imperméable
Pour se protéger
Insensible pour ne pas sombrer
Invulnérable pour ne plus sentir
A la façon d’une relance cardiaque
Oser l’expansion du mouvement
Même sans ressort
C’est d'abord relâcher la pression
Se laisser descendre
Toucher le fond
Puis donner l’élan, l’impulsion
Le coup de talon
Et se laisser remonter
Aider du léger battement de pieds
Sans presque aucun effort.
Gabriella Koutchoumova

Rue du Midi
101/105 09 juillet 2020
La joie pure de ressentir mes abdos hier à la tablée familiale
il y avait longtemps
bien plus longtemps que le confinement pardi !
On avait espéré rire au fin fond de nos caves intérieures
c’est ce qui nous tenait vivant.
Pour moi c'est l’unique ressort important
le pouvoir de rire dans les crises
dans les deuils
dans les tristes sentiers interminables de nos pensées.
Déclencher l’absurdité
l’ébauche maladroite qui ébranle nos âmes tranquilles
nous contracte, nous dilate et nous secoue.
Le rire a besoin d’écho
et hier je l’ai entendu résonner !
Gabriella Koutchoumova

Cité Administrative
100/105 08 juillet 2020
Je côtoie des nains et des géants.
Il y a 3 géants importants dans ma vie
et tu en fais partie.
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Ta hauteur donne une vision
que tu me partages allègrement.
Ton oeil est vif
mais ton ouïe au vent perd le fil, de temps en temps.
Tes bottes de mille lieux donnent le poids à ta stature.
Ces géants sont émotifs, sensibles et blindés.
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De petites choses ébranlent l’équilibre
qui comme la moto ne veut s’effondrer par terre.
Car transporter la masse de ton poids
est toute une aventure en soi
qui comme l’effet papillon pourrait soulever les mers
en un tsunami involontaire et dévastateur !
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Gabriella Koutchoumova

99/105 07 juillet 2020
La flèche interne
indique de façon claire
la marche à suivre
la direction à prendre
et pourtant tout s’arrête.
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Je foule le pavé
ce 22 mars 2016
quand il n’y a ni trams, ni bus, ni taxis.
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Je marche espérant intercepter un Villo,
même les stations de vélos ont été déconnectées.
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Mon pas s’accélère sur le pavé bruxellois
ce jour maudit
où je parcours ma ville meurtrie, la peur au ventre
que n’explose telle voiture ou telle personne.
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Ma fille est à l’école
on se téléphone entre amis-parents.
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Je continue à fouler Bruxelles à grandes enjambées
de peur, encore, que n’explosent sous mes pieds,
pavés ou trottoirs entiers.
Gabriella Koutchoumova

Avenue de Tervuren
98/105 06 juillet 2020
La force des périphéries
c’est qu’il y a du mouvement.
Le centre,
comme l’oeil du cyclone
est tranquille.
Le calcul de l’espace vide
pour tout capter
en une diagonale
à angle ouvert.
Être de périphéries souvent plus libre, plus joyeux
De ne pas se retrouver coincé au centre
à la vue
et enfermé sur soi-même
aucune issue de secours
aucun point d’eau pour s’hydrater
de liberté et d’amour,
car si l’amour est captif
il meurt instantanément
pour devenir une habitude
une peur maitrisée par l’antre
les limites de l’intime.
Gabriella Koutchoumova

Rue Fontainas
97/105 05 juillet 2020
Tu fais partie de mon quotidien.
De loin, furtivement, je distingue
ta silhouette désincarnée.
Ta carcasse portée par le mur,
à 800 mètres à vol d’oiseau
de ma fenêtre,
se vide un peu chaque jour
par les pluies acides qui assèchent
les briques poreuses et
rendent éphémère
la trace de ton trait.
Gabriella Koutchoumova

Rue du Cirque
96/105 04 juillet 2020
La fin d’une bien longue période maussade
se terminerait enfin ?
Je me mets en marche
j’arpente ce que Bruxelles ancienne
a laissé en abandon.
Ce monde transformé par un séisme intérieur.
La marche pour pratiquer une autre présence
elle se transforme de pas en pas
un jour plus lent
un autre plus rapide
jamais la même vitesse.
La démarche se chaloupe de jour en jour
non pas par style mais par pure organicité.
Elle emmène assurément.
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A l’ouverture de cafés-bars
la marche s’est transformée en une danse…
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Sans m’en apercevoir
je trouve de nouveaux appuis
et enfin nos mains s’effleurent
pour coordonner nos souffles rieurs
et ressentir la vibration du plancher parcourir nos jambes
circuler sans résistance
depuis nos pieds vers l’univers
et laisser enfin nos pensées se repentir au vestiaire.
Gabriella Koutchoumova

Square Ambiorix
95/105 03 juillet 2020
Pensées douces et fortes
pour mes trois tantes
parties, chacune, en un coup de vent de 2020.
La première rebelle et sauvage
la deuxième généreuse et artiste
la troisième altruiste au tempérament fougueux !
Trois femmes, fées-sorcières aux pouvoirs magiques
se sont penchées sur mon berceau
m’ont tenue dans leurs bras.
A leur manière, elles m’ont marquée
j’en garde la trace,
précieusement,
comme un trésor que je transmettrai à mon tour.
Leurs trois cœurs en or
brillent dans mes nuits
transforment mes pensées sombres
en de possibles lendemains.
Gabriella Koutchoumova

Avenue Henri Dunant
94/105 02 juillet 2020
Je ne pouvais pas aimer le rose…
On se doute maintenant que le rose et moi
Ca ne s’aligne pas.
Mes couleurs préférées étaient
Abricot sur bitume
Contraste épatant
Auréolé
Comme une extase.
Je suis en pâmoison
Je me sens avec et sans
Au-dedans et éparpillée
En une voie sourde, feutrée et sombre
Une multitude de points velours
Créant un tapis épais
Dans la salle d’attente que j’habitais
Depuis ce paquet d’années
Et que je viens de quitter.
Ces couleurs ont secoué mon enfance
Aujourd’hui je les reconnais comme
De vieux complices qui ont circulé avec moi.
Gabriella Koutchoumova
Gabriella Koutchoumova

Rue d'Aremberg
93/105 01 juillet 2020
Symbole de tendresse et d’une infinie douceur,
il m’est absolument impossible de le dévorer.
Vulnérable, vif, fertile,
il incarne l’abondance
créatrice du printemps,
intensément.